Mi-décembre 2016. Après deux semaines magnifiques à Bali, et surtout près de 8 mois passés en Océanie, on profite de nos derniers jours en Indonésie avant de décoller pour 4 jours à Hong Kong. Ce sera la dernière étape de notre long voyage à l’autre bout du Monde. Tout est réservé, tout est bouclé : dans moins d’une semaine, on sera de retour en Alsace. Rien que d’y penser, nos estomacs semblent comme noués. Mais est-ce vraiment le stress qui donne cette impression … ?
Cela fait maintenant plusieurs jours que je ressens une douleur au niveau du ventre, ou plutôt une gène persistante. D’abord mise sur le dos de la nourriture indonésienne, puis de l’angoisse du retour, je n’y prêtais pas spécialement attention. Et un matin, une idée me traverse l’esprit. « Et si c’était l’appendicite ? » On nous a toujours dit qu’une crise d’appendicite était très douloureuse, que l’on arrivait à l’hôpital quasiment plié en deux et qu’il n’y avait aucun doute possible. Et pourtant, mon intuition me dit qu’il y a quelque chose de pas normal, et je commence à m’inquiéter pour ce vol prévu deux jours plus tard.
Lassé de m’entendre parler de ça (et comme je le comprend ! huhu), Gaétan décide de prendre les choses en main. « On va aller voir un médecin, pour te rassurer ! ». Après avoir hésité face au niveau d’hygiène balinais, on se décide finalement à aller à l’hôpital pour obtenir un avis médical. On explique mon cas à la réception de notre hôtel1, et l’un des réceptionnistes se propose immédiatement de nous conduire gratuitement au Siloam Hospital de Denpasar, le meilleur hôpital de l’île. À peine arrivés, les infirmiers me prennent en charge et m’installent dans un des lits du services des Urgences afin d’effectuer plusieurs examens.
Niveau hygiène et efficacité, l’hôpital n’a rien à envier à nos hôpitaux français. Tout est propre et le matériel a l’air d’être de bonne qualité, tandis que le personnel médical est au petit soin pour tous les patients, et semble surtout très compétent. C’est bête à dire, mais ça nous rassure : lorsqu’on voit l’état des rues balinaises, on avait pourtant tendance – peut-être à tord – à s’attendre au pire.
On m’allonge donc sur un lit, séparé de ceux de mes voisins par des rideaux – un peu à la façon des hôpitaux américains. À ma droite, un homme vient de faire un accident de scooter et semble entre la vie et la mort. Je ne vois que son ombre à travers le rideau ; il gémit, convulse, et crache du sang qui atterrit au pied de mon lit. Puis les médecins arrivent rapidement pour l’endormir et lui administrer une bonne dose d’antidouleurs. J’ai beau avoir totalement conscience d’être bien plus chanceuse que cet homme, cette scène me vaut une nouvelle montée de stress.
Prise de sang, test d’urines, échographie ; je subis toute une série d’examens, avec Gaétan toujours à mes côtés (et heureusement qu’il était là pour me rassurer). Puis le verdict tombe : il s’agit bel et bien de l’appendicite, à un stade plutôt précoce. On nous indique que dans ces cas là, où il n’y a pas encore de vraie crise, il est possible d’éviter l’opération avec la prise d’un médicament (antibiotique ou autre ? On n’en sait pas vraiment plus). Mais cette solution n’est pas garantie à 100%, et en choisissant cette option je devrais signer une décharge déclarant que j’étais au courant des risques – et donc, par extension, que mon assurance ne me couvrirait plus dans le cas d’une opération future ou d’une péritonite, que ce soit au sol, ou en plein vol …
Le choix est vite fait : on a encore 2 vols à prendre, dont un de plus de 12 heures. On ne peut décemment pas prendre ce risque : une péritonite dans les airs et les frais d’un atterrissage d’urgence … Autant vous dire que ça calme tout de suite. Je vais donc me faire opérer ici, à Bali. Immédiatement, je me mets à pleurer. Je pense que je ne me suis jamais sentie aussi impuissante de toute ma vie, ni aussi angoissée. J’ai beau voir le niveau d’hygiène de l’hôpital, je repense aux rues sales et je m’imagine une opération dans des conditions déplorables, d’où je ne pourrais sortir qu’avec des complications par dizaines. « Mais ça, c’est si je me réveille après l’anesthésie ; ce n’est pas sûr non plus ! » Les pensées se bousculent dans ma tête, je continue à pleurer et, au moment d’enfiler ma blouse médicale, je manque de m’évanouir. Avec du recul je me rends compte que ma réaction était disproportionnée, mais sur l’instant j’avais juste peur de subir la première opération de ma vie à l’autre bout du Monde. Encore une fois, heureusement que Gaétan était là pour tenter de me rassurer, et pour prendre soin de moi. Je ne sais pas comment j’aurais réagi si j’avais été seule.
Mais à Bali, les soins sont chers : avant toute opération, un acompte doit être versé. Le montant de cet acompte ? Environ 5000€ … Et en roupies indonésiennes, autant vous dire que le chiffre a de quoi donner le tournis. On parle de millions, et le nombre est tellement grand qu’il défile sur le terminal de paiement, au moment de valider notre transaction par carte bancaire. Il fait nuit en France, il nous est donc impossible de joindre notre assurance : on paye, et on s’occupera de ça plus tard.
Après m’avoir posé une perfusion, et le temps que la salle d’opération se libère, on nous installe Gaétan et moi dans ma future chambre afin de déstresser un peu, au calme. Quatre heures d’attente et une douche à la Bétadine plus tard, l’heure est venue. On vient me chercher en fauteuil roulant pour m’amener dans la chambre pré-opératoire. Gaétan peut me suivre jusqu’à l’entrée de cette zone, mais continuer sans lui me redonne envie de pleurer – sa présence me rassurait, et devoir le quitter ne fait qu’augmenter ma peur.
Encore une fois, on m’allonge sur un brancard. Puis tout se passe très vite. Une infirmière vient m’injecter la première partie de l’anesthésie à travers la perfusion. « L’anesthésiste viendra ensuite pour vous endormir complètement avec le masque ». Je sens la pièce tournoyer, et je ferme les yeux un peu groggy. Lorsque je les rouvre, je suis confuse. « Est-ce que je suis simplement en train de somnoler, et l’anesthésiste ne devrait plus tarder ? Tiens, c’est étrange, ce rideau a bougé mais je ne me souviens pas avoir vu quelqu’un passer par là … Ou alors … ». Je soulève ma blouse, et observe les trois pansements appliqués sur mon ventre. L’opération – effectuée par coelioscopie – est déjà terminée. Point positif : je n’ai absolument pas mal. Les anti-douleurs doivent être plutôt efficaces.

Cheveux en bataille, cernes de folie : j’assume ma tête post-opératoire ! huhu
Quelques minutes plus tard, mon chirurgien vient prendre de mes nouvelles, et me montre tout content mon appendice qui flotte dans un petit bocal. Tout s’est bien passé, je peux être transférée dans ma chambre – où Gaétan m’attend depuis maintenant plus de 3 heures. Le pauvre n’a pu avoir aucune nouvelles de moi pendant tout ce temps, et il commençait à s’inquiéter ; il peut enfin être rassuré. On en profite également pour téléphoner à nos parents pour leur annoncer la nouvelle : « Hum, ne paniquez pas, tout va bien … mais on vous appelle pour vous dire qu’on rentrera plus tard que prévu en France. Je viens de me faire opérer de l’appendicite à Bali. » On vous laisse imaginer les réactions à l’autre bout du fil … Mais c’était toujours mieux que de laisser Gaétan les appeler seul pendant l’opération, et leur dire quelque chose du genre « Camille est en train de se faire charcuter en ce moment même ». Je pense que dans ce cas là, mes parents seraient montés dans le premier avion disponible pour nous rejoindre, totalement paniqués.
Une fois ce coup de fil passé, il reste deux problèmes à résoudre. Le premier : notre hôtel actuel est assez loin de Denpasar, et de toute façon notre réservation touche à sa fin. Gaétan doit donc trouver un autre hôtel – si possible pas trop loin de l’hôpital – et surtout se trimballer toutes nos affaires, tout seul : près de 40kg au total (voyagez léger, c’est un conseil …). Heureusement, il a rapidement trouvé une chambre de libre dans un hôtel à quelques mètres du Siloam Hospital, et a réussi à transférer toutes nos affaires d’un hôtel à l’autre en répartissant les poids des sacs sur ses épaules. Un warrior !
Le second problème, et sans doute le plus important : régler la situation avec notre assurance, pour éviter de nous ruiner en frais médicaux. Pendant toute la durée de mon hospitalisation, Gaétan n’a cessé de les appeler et de leur envoyer des documents. J’avoue avoir été totalement dépassée par la situation, et n’avoir quasiment rien suivi, mais force de constater que ses efforts ont été payants : l’ensemble des frais médicaux ont été réglés directement par notre assurance sur le compte de l’hôpital, qui nous a alors remboursé l’acompte qu’on avait déjà versé.
Pour ce qui est de l’hospitalisation, elle se fait de manière très classique, pendant 3 jours. Je me retrouve dans grande chambre, que je partage avec une allemande victime de problèmes cardiaques. Pour plus d’intimité, des rideaux sont installés autour de chaque lit et peuvent être ouverts ou fermés à notre guise. Comme on m’interdit de marcher les deux premiers jours, pour éviter de trop forcer sur les cicatrices, je dois prévenir les infirmières en cas de besoin, pour qu’elles viennent avec leur petite bassine : pour le côté glamour, on repassera ! Heureusement, ces mêmes infirmières sont d’une extrême gentillesse, et font tout pour que l’on se sent à l’aise et qu’on ne manque de rien. Même pendant les soins classiques, comme changer la perfusion ou les pansements, elles restent précautionneuses et me demandent des centaines de fois si je n’ai pas mal ou si j’ai besoin de quelque chose. Un petit cadeau m’est aussi offert : un mug aux couleurs de l’hôpital, rempli d’un petit nécessaire de toilette. Ce n’est pas grand chose, mais ça me donne le sourire (et j’ai encore cette tasse avec moi – je suis d’ailleurs en train de boire mon café dedans pendant que j’écris cet article !). Le chirurgien vient aussi me voir une ou deux fois pour examiner les cicatrices et vérifier que tout va bien.
Finalement, ces 3 jours d’hospitalisation m’ont semblé passer très vite, entre les interventions régulières des infirmières, les visites de Gaétan et les grosses siestes (autant vous dire que j’ai subi à la fois le contre coup de l’opération mais aussi celui du voyage, et que j’ai passé la majeure partie de mon temps à dormir). Mais après une opération de ce type, il est déconseillé de prendre l’avion dans les 10 jours qui suivent ; les cicatrices sont encore trop fragiles, et il y a aussi un gros risque de phlébites et d’embolies pulmonaires. On doit donc encore patienter, avant d’avoir un dernier rendez-vous avec mon chirurgien pour qu’il valide (ou non) notre départ.
Je rejoins donc Gaétan dans le fameux hôtel2 qu’il avait choisi pour être au plus près de l’hôpital. C’est parti pour 10 jours d’attente. Les médecins m’ont prévenue : pas de longues marches, pas de baignade, et pas d’aliments qui peuvent causer des soucis de digestion (épices, légumes mal cuits, fruits mal lavés, fruits de mer, etc.). C’est l’éclate ! On passe donc la plupart de notre temps dans la chambre d’hôtel, à regarder des séries ou à surfer sur Internet. On passe aussi énormément de temps au téléphone, avec Chapka Assurance : en plus des frais d’hospitalisation qui s’élèvent déjà à près de 9000€, ils acceptent finalement de rembourser l’intégralité de notre facture d’hôtel en attendant le départ, mais aussi nos deux billets d’avion retour. Au total, 11000€ ont été déboursés par notre assurance ! Dix jours plus tard, l’accord est donné par le chirurgien et l’on peut enfin rentrer chez nous, soulagés. À part une forte douleur au niveau des cicatrices suite à un atterrisage un peu sec, tout s’est très bien passé pendant le vol.
Mais alors aujourd’hui, près d’un an après l’opération, comment ça se passe pour moi ?
Disons que j’ai beau dire que tout s’est très bien passé, c’est assez mitigé. Le premier mois, j’ai du prendre un traitement antibiotique suite à une légère infection post-opératoire. Mais d’autres douleurs sont encore et toujours présentes aujourd’hui. D’abord mises sur le dos de la cicatrisation, elles varient désormais selon les moments entre une douleur vive et une douleur plus sourde. Echographie et scanner : tout est normal sur le papier. Il s’agit donc probablement du syndrome du colon irritable, ou d’adhérences post-opératoire, et il va falloir que je m’y habitue … Un autre symptôme est également apparu depuis l’opération sur le côté droit de mon corps : par moments, je ressens de fortes douleurs dans le bas du dos et j’ai également développé une névralgie d’Arnold. Après de longs mois de recherche, il semblerait que ce mal soit lié à mon appendicectomie : soit en étant mal manipulée pour me déplacer d’un lit à l’autre lorsque j’étais sous anesthésie, soit suite à mon alitement. Un nerf serait bloqué, et des séances de kiné-osthéopathe devraient enfin résoudre ce problème. Mais je me dis surtout que tout ça aurait également pu arriver en France … et que ça fait de drôles de souvenirs de voyage !

Une dernière photo-dossier pour la route : les joues bien rouges et gonflées après une grosses sieste.
À votre tour : racontez-nous aussi votre plus grosse galère de voyage !
1 Un énorme merci à toute l’équipe du Bali Paragon Resort Hotel de Jimbaran, et plus particulièrement à l’homme qui nous a gentiment conduits à l’hôpital et qui y est resté avec nous pendant des heures pour s’assurer que tout se passait bien.
2 Un grand merci à toute l’équipe du 100 Sunset Hotel pour leurs petites attentions et leur gentillesse.
Wow, c’est vraiment une histoire de dingue, et j’imagine la détresse que tu as pu ressentir. Déjà, toute opération est inquiétante, mais à l’autre bout du monde on a de quoi être plus que déstabilisé !
Heureusement, tout s’est plutôt bien passé, ça fait tout de même une sacré « galère de voyage » à raconter :)
J’étais tellement mal quand j’ai compris que je devais être opérée. Je pleurais tellement que ça devait en être ridicule ! Haha
Tu as été « gâté » niveau souvenir de voyages inoubliables, on peut le dire ! :p
J’aurais paniqué autant que toi heureusement que ton homme était là et que le personnel médical a été au petit soin. Les hôpitaux m’angoissent alors à l’étranger je n’imagine pas
Oh oui, heureusement que Gaétan était là ! Sans lui j’aurais été incapable de tout gérer. Et il a surtout été d’un soutien inestimable, j’aurais vraiment paniqué sans lui.
Ma hantise !! À chaque fois que je pars en voyage je me dis « j’ai pas encore eu l’appendicite, j’espère que ça ne va pas m’arriver là-bas » !!
C’est fou cette histoire! Les galères de voyage, on en rigole souvent après mais probablement un peu moins quand ça touche à la santé!
On en rigole aussi maintenant. Il y aura sans doute des petites séquelles à vie, mais rien de grave. Et ça aurait aussi été une galère en France de toute façon ! haha
Quelle épopée ! Et quel courage !
Dans la mesure où je n’avais pas vraiment le choix, je ne parlerais pas de courage. huhu
Mais merci :)
Et bien ma pauvre quelle histoire, j’espère que tout vas pour le mieux maintenant? C’est vraiment les aléas des voyages et souvent ça arrive à l’étranger mais tu a été vraiment courageuse , ce ne sont que des mauvais souvenirs et c’est la où l’on se rend compte que c’est indispensable d’avoir une assurance voyage.
Oh oui, sans assurance voyage c’est le drame assuré dans ce genre de situation ! J’étais bien contente d’en avoir une. Niveau médical j’aurais des séquelles à vie suite à quelques complications, mais rien de (trop) contraignant donc je ne me plains pas. :)
Quelle histoire ! Vous avez dû tellement angoisser… Heureusement que tout s’est bien passé dans l’ensemble et que l’assurance a été réactive (ou soulé par les appels incessants ahah ?). J’espère que le kiné te permettra de ne plus avoir de douleurs !
Franchement je pense avoir eu de belles galères en voyage mais jamais de ce niveau là !
Sincèrement, l’assurance a été vraiment efficace. Alors ok, on les a appelés de nombreuses fois, mais c’était plus parce qu’on était en panique que pour râler ! haha.
C’est rigolo je viens de vivre la même chose il y a quelques semaines mais au vietnam !!! Je compatis et j’étais seule en plus … j’en rigole maintenant Mais sur le coup je faisais pas la maligne !!
Ohlala ma pauvre, seule en plus ! Je ne sais pas du tout comment j’aurais géré ça sans Gaétan, donc je n’ose même pas imaginer à quel point tu as du te sentir seule. Pareil que toi, j’en rigole maintenant mais sur le coup j’étais au bout de ma vie (expression démodée bonjour ! haha)
Bonjour Camille. Si tu n’ avais pas eu les 5000 EUR , comment aurais tu fait? Mon frère est mort a Sanglah hôpital de Denpassar suite a une hémorragie digestive en avril. Il n’ avait pas d’ assurance ni d’ argent et je les soupçonnent de n’ avoir rien fait (transfusion…).
Merci pour ton récit qui m’ éclaire sur leur niveau.
Bonjour Robert. Je suis vraiment désolée pour votre frère.
Je ne peux malheureusement pas répondre à votre question, le cas ne s’étant pas présenté.